11 Sep La bonne nouvelle derrière l’arbre des faillites
Le bureau de collecte et d’analyse de données financières et commerciales Trends Business Information nous apprend qu’au cours des huit premiers mois de l’année, les tribunaux ont prononcé 6.798 faillites. C’est près de 10 % de plus que l’an dernier. La crise de covid, l’augmentation des prix de l’énergie et, plus largement, la hausse générale des prix ainsi que celles des taux qui renchérit le coût de la dette : tous ces éléments ébranlent les entreprises et certains prédisent déjà une année 2023 record en matière de faillites. – Pierre-Henri Thomas, Journaliste
On a trop souvent tendances, lorsque ces chiffres arrivent, à se lamenter et à crier au loup. Avec le covid, puis la guerre en Ukraine, puis la crise énergétique, puis l’inflation salariale, chaque fois les prophètes de malheur ont prédit : vous verrez, ce serra terrible, il y aura une récession, un bain de sang social.
Pourtant, si on regarde d’un peu plus près, le tableau est très, très différent de cette première vision qui pourrait nous laisser un goût amer. Quand on élargit l’horizon, on observe qu’il existe dans le pays une force entrepreneuriale que l’on a souvent tendance à sous-estimer. Certes, les chiffres ne sont pas bons au regard de 2022, mais si l’on veut avoir une réelle tendance, il faut comparer ces données à celles de la période d’avant le covid. Et là, l’image est tout autre. Par rapport aux huit premiers mois de 2019, où l’on avait recensé 7.647 faillites, on observe une baisse de plus de 11 %. “Inférieur à 0,7 % de la population active, le taux de défaillance reste modeste”, souligne Pascal Flisch, responsable du research & business development chez Trends Business Information.
Quand on élargit l'horizon, on observe qu'il existe dans le pays une force entrepreneuriale que l'on a souvent tendance à sous-estimer.
Le tableau est également positif lorsque l’on prend les chiffres des créations d’entreprises. Toujours selon Trends Business Information, on a recensé cette année 83.291 “starters”, contre seulement 79.950 pour la même période en 2019.
Bien sûr, tout cela ne veut pas dire que nous vivons dans un Barbieland où tout est rose et sucré. Car si le nombre de faillites est en baisse, le nombre d’arrêts d’activité, lui, augmente : on a dépassé les 100.000 cessations l’an dernier, et ce chiffre devrait augmenter encore cette année. La hausse des taux fait réellement mal, celle des coûts salariaux aussi. Des secteurs comme l’immobilier ou l’horica en souffrent particulièrement et on le voit dans la baisse de leurs marges. La démographie des entreprises continue de grandir, mais moins vite. Le nombre de créations nettes (créations moins cessations) se tasse, surtout à Bruxelles (les problèmes de mobilité et de cherté de l’immobilier n’y sont pas étrangers) et à l’international, où en raison du retour du protectionnisme, la vague d’investissements américains ou chinois n’est plus ce qu’elle était.
Derruère les chiffres des faillites, se cache donc une autre réalité : celle d’un esprit d’entreprises plus vivace que jamais au nord du pays. Celle d’une Wallonie plus lente, celle d’une Région bruxelloise qui a vraiment du mal à suivre et celle d’un pays qui doit améliorer son attractivité.
Mais la bonne nouvelle est que, profondément, une certaine culture de la prise de risque percole dans la société, surtout au nord. Cela s’observe d’ailleurs dans le rajeunissement de ceux qui lancent des projets. Sur la période comprise entre le 1er mai 2022 et le 30 avril 2023, la Fédération des notaires souligne que l’âge moyen du créateur d’entreprise était 39 ans. C’est six ans de moins que lors de la période précédente. Aujourd’hui, près de 55 % des fondateurs d’entreprise ont entre 25 et 40 ans. Mais tout cela ne se trouve pas dans les statistiques des faillites.